Dans son numéro du 4 février 2008, Elle nous donne un nouvel exemple de ce que c'est qu'une bourgeoisie en quête de bonne conscience à bon compte.
Quand Dorothée Werner interview Elsa Fayner, on frise le ridicule. Elle découvre le monde du travail qui n'est pas la mode, pas people, pas la fringue, pas le cosmétique : ça donne 2 pages, vite fait mal fait, sur une diplômée de Sciences Po (Paris), qui se fait sa pub en ayant "enquillé les petits boulots", pendant un an (on aimerait vérifier).
Je n'ai pas de compétences en ce qui concerne la gestion de la cafeteria d'Ikéa, (ce qui en raccourci consiste à vendre des hot-dogs, pas très suédois), mais en revanche, j'ai une bonne idée de ce qu'est la gestion des centres d'appels. Cela fait 25 ans maintenant que j'en crée et en gère (je sais, je suis un sale patron).
Ce qui me fait réagir, c'est ce petit article publicitaire, puisqu'il s'agit de la promotion d'un livre d'une jeune bobo, qui n'est rien d'autre qu'un coup médiatique.
Bien entendu, la presse a toujours aimé se défouler sur les centres d'appels, qui sont, comme chacun sait, la version moderne des mines de charbon.
Dire qu'il s'agit d'une "étude choc sur le travail", et cela met en appétit.
Ce qu'on lit, c'est que, grâce aux centres d'appels, on peut trouver, sans qualification, un travail en 6 jours. Ce travail est souvent difficile, souvent à temps partiel, et rémunéré comme tel.
Soit un peu plus que le SMIC (l'auteur oublie les primes qui sont toujours la règle dans les centres d'appels, pour faire plus pauvre). La journaliste, qui se lâche, tellement elle est étonnée par ce monde du travail qu'elle découvre, parle de "contrats pourris".
Pourtant, elle admet qu'elle n'a pratiquement pas rencontré de salariés qui se plaignent de leur conditions de travail. Ce qu'ils voudraient, c'est y travailler davantage, pour gagner plus.
Mais juste après, elle les décrit comme "épuisés après quelques semaines de télévente". Et quelques semaines de marteau-piqueur, c'est comment ?
Elle oublie de préciser que les centres d'appels sont majoritairement (80%) en interne des grandes entreprises et donc régis comme le reste des emplois. Elle n'en a peut-être pas visité suffisammet pour constater qu'ils sont de mieux en mieux aménagés.
Je voudrais lui indiquer que dans mon goupe, Teletech International, nous avons dès l'origine, en 1993, mis en place une gestion des ressources humaines fondée sur les emplois en CDI et à temps plein, une règle de 10% du temps de travail consacrés à la formation continue. Les salaires sont définis en fonction des prix payés par nos clients qui recherchent un rapport qualité-prix très compétitifs. Mais ils sont toujours au moins au SMIC.
Résultats : un turnover de 4,5% par an depuis 15 ans. Une grande partie de nos collaborateurs qui optent pour le temps partiel, qui bénéficie des congés CIF, des 35 heures payées 39, de salles de repos et de restaurant, d'un environnement rural, de comptes épargne-temps, de l'intéressement et de la participation. On y respecte la parité hommes-femmes au niveau cadres et cadres dirigeants.
Mais Dorothée, elle préfère les affirmations à sensation, sans vérifier, c'est plus sûr : "Les contrats sont toujours précaires" ou "Les employés passent plus de 300 appels par jour". Ca fait pleurer, c'est bon pour les ventes. Dommage, mais c'est ignorer que la moitié des centres d'appels gère des appels en réception, que les appels gérés par un conseiller, c'est le plus souvcnt 100 par jour et pas 300.
Bref, c'est du travail bien bâclé. Bravo Elle ! Du journalisme pour faire pleurer les people.
Heureusement, quelques pages plus loin, ils vont pouvoir se refaire un moral en allant dépenser 900€ pour 3 séances de mésothérapie, pour avoir "bonne mine".
Mais ça, chez Elle, ça ne les choque plus depuis longtemps.
Je leur proposerais bien un vrai reportage dans un vrai centre d'appels.