Il y a quelques mois maintenant que je me suis inscrit sur Facebook.
Rien de très original, puisque nous sommes environ 50 millions dans ce cas.
Ayant crée mon premier blog il y a 3 ans, mon premier wiki il y a 6 mois, on aurait pu s'attendre à un peu plus de précocité de ma part, cela dit sans forfanterie.
Mon fils s'est inscrit il y a environ 3 ans, pendant un séjour dans une université américaine. Il m'en avait parlé avec enthousiasme, comme d'un trombinoscope interactif, qui permettait aux étudiants de son université de se montrer leurs photos et d'organiser plus facilement des soirées.
Je dois dire qu'à l'époque (ça paraît en effet bien loin), je n'avais pas du tout pressenti l'impact que pourrait avoir cet outil pour jeunes sur les affaires du monde.
L'engouement des jeunes français aujourd'hui, dont le cercle des amis de mon fils n'est pas le moins impliqué, m'a poussé à m'enrôler.
Si je vous parle de ça aujourd'hui (qui peut bien être ce "vous", si je ne mets pas ce post sur Facebook ?), c'est que je constate combien il est impossible aujourd'hui, pour qui est intéressé par les phénomènes de la relation client, de ne pas "en" être.
Tout d'abord, ne serait-ce que pour rester au contact de ses proches, qui ont une fâcheuse tendance, quand ils ont moins de 30 ans, à s'éparpiller dans toute la planète.
Puis, ayant franchi ce Rubicon technologique, on se prend immédiatement au jeu : la curiosité nous pousse à rechercher la trace d'anciens amis. Là, première déception : quand on a passé la cinquantaine, force est de constater que le phénomène universitaire US n'a pas encore réellement fait tâche d'huile dans le haut de la pyramide des âges française ! Personne en vue ou presque.
On sollicite, on explique : résultat, une poignée d'amis dont le prénom est en fait le nom de famille et le profil un énorme point d'interrogation : pas de quoi vous valoriser. Ensuite, silence radio. On devine l'océan d'interrogation devant notre nouvelle lubie. Comment peut-il perdre son temps dans un truc aussi inutile ?
Il y a une première explication toute simple, qui tient dans le ressort d'ailleurs du succès de FB : il n'y a rien de plus précieux pour nous que les amis.
Ne pas en avoir, c'est n'avoir aucune vraie raison de vivre.
Au départ, on n'a pas d'amis sur FB. On ne comprend pas exactement comment certains en ont autant et nous si peu.
On sollicite quelques proches, dont on est certain qu'ils accepteront de "rester" nos amis, même sur Facebook. Miracle, eux aussi sont en recherche d'existence, donc de visibilité. Ils acceptent effectivement.
De fil en aiguille, notre cercle s'élargit et devient, parfois, respectable. On commence à se sentir mieux.
Puis, deuxième ressort du succès de FB : son ouverture. Les développeurs se sont lancés dans des développements tous plus ludiques et intuitifs les uns que les autres. C'est ce qui animent ce trombinoscope géant.
Mais quand on est un professionnel de la Relation Clients, se pose très vite la question clé : à quoi cela peut-il bien servir ?
Facebook apporte depuis quelques jours une réponse très américaine : on peut faire de la pub hyper ciblée et fondée sur l'affect, donc probablement très efficace.
En en parlant à mon fils, j'ai obtenu une réponse bien plus satisfaisante : à quoi cela sert-il de rester en contact avec ses amis ? A rien sans doute, mais c'est l'essentiel.
On aimerait bien que tout ce temps passé, on ne finisse pas par le ressentir comme perdu.
Se faire mousser, en affichant le dernier widget, des photos bluffantes, des amis prestigieux, des manifestations d'attachement touchantes.
Ou est le fond ? On aimerait se sentir plus constructif.
Et c'est là que FB joue un rôle pédagogique considérable pour les anciens dont je suis : les échanges, les manifestations d'affection, se mettre en scène, rivaliser d'humour, séduire, c'est la vie d'aujourd'hui, dans notre société.
En être, c'est être.
Depuis quelques jours (seulement), à l'approche des échéances électorales, les hommes politiques de tous bords se lancent dans l'aventure. Ils ont besoin d'exister, c'est certain.
De la politique au business, il n'y a qu'un pas. Et c'est soudain que la Relation Clients apparaît comme une notion un peu désuète. Que sommes-nous donc d'autre, les uns pour les autres, que des consommateurs ? D'informations, d'événements, de liens.
La Relation Clients, c'est la relation. Une fois les présentations faites, une fois les étudiants entrés dans la vie active, il y a fort à parier que Facebook deviendra la plus grande plate-forme d'échanges de toutes natures au monde.
On aimerait, secrètement, que le business reste à l'écart de cet univers à la fois virtuel et réel, où il est si simple de devenir amis, de se tutoyer, de se découvrir.
Pourtant, les rumeurs de valorisation de Facebook, l'intérêt qu'il suscite auprès de Microsoft et des autres prédateurs du même accabit, n'ont rien de rassurant.
Qu'adviendra-t-il de nos confidences, de nos espoirs de relations simples et dénuées d'arrières pensées ?
Il sera temps sans doute d'y repenser plus tard.
En tous cas, nous pouvons remercier ce jeune milliardaire de 23 ans de nous avoir offert cette cure de jouvence universelle.
Un merci éternel, Mark !
Emmanuel
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